Colloque « Handicap et espaces »




« Handicap et espaces » est un colloque international et pluridisciplinaire qui s’inscrit dans le projet « Handicap et citoyenneté » qui ambitionne de consolider le champ des études francophones sur le handicap. Le colloque vise à mettre en place un espace de débat, de réflexion et d’échange de connaissances et d’expériences autour du handicap dans sa relation aux « Espaces ». L’utilisation du concept « espaces » au pluriel renvoie à sa complexité et à la diversité de ses usages qui s’articulent autour du physique, du social, du symbolique, du territorial, du virtuel, de l’économique et du politique. Durkheim montre que les structures physiques de l’espace usuel façonnent les structures du monde social dans sa multi-dimensionnalité tandis qu’Habermas lie étroitement l’exercice des droits et de la citoyenneté au degré d’accès et de jouissance des personnes des espaces. Le handicap reste une construction culturelle (Fougeyrollas, Stiker, Gardou). L’organisme des Nations Unies le définit comme étant le résultat de l’interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux qui écarte et exclue la personne des espaces où se créent et se maintiennent les relations sociales et où se fait la pratique de la citoyenneté.

Croiser handicap et espaces relève d’une tentative d’appréhender les vécus, les perceptions, les représentations et les relations des personnes en situation de handicap aux diverses espaces qui les incluent ou les excluent. Il serait tentant de dire que tout est espace et que l’espace est partout. Mais l’usage de ce terme au singulier n’est que générique. C’est en fait d’ « espaces » au pluriel qu’il s’agit. Des espaces matériels et d’autres virtuels, fictifs, abstraits, insaisissables. Pourquoi alors associer un tel concept au handicap ? C’est justement cette complexité et polymorphie de l’espace qu’il est intéressant d’approcher pour aborder le handicap. Celui-ci ressemble en quelque sorte dans son incommensurabilité à l’espace. La littérature scientifique qui existe sur l’espace est foisonnante. Les disciplines, elles-mêmes, ont chacune abordé l’espace à sa manière. La sociologie, la géographie, l’architecture, le droit, l’économie et même la réalité virtuelle ont chacune des théories et des méthodes pour aborder leurs « espaces ». Questionner l’espace peut se faire en le mettant en relation avec la réalité matérielle et sociale (Remy, 2015) qui le lie au handicap. La dimension relationnelle de l’espace (Löw, 2015) peut donc être abordée selon les composantes de la structure sociale, le monde matériel des objets et des corps et la dimension symbolique du monde social. L’espace des représentations, quant à lui, détermine l’espace géographique concret des personnes. Cette conception composite peut s’avérer fort intéressante pour étudier le handicap qui se vit dans et à travers l’espace.

Sans prétendre à l’exhaustivité, sept axes sont proposés pour organiser l’échange autour de cette relation entre handicap et espaces durant le colloque.
 

Axe 1 :

Sédentarité et espace de vie des personnes en situation de handicap

Il s’agit de réfléchir sur l’espace de vie dans sa dimension privée et intime, ainsi que sur les difficultés qui en relèvent. Rendre compte des espaces de vie privés et publics amène aussi à réfléchir sur les facteurs qui déterminent leurs places et leurs rôles sociaux. Le handicap, le degré de déficience et la position socio-économique des personnes en situation de handicap représentent des exemples de ces facteurs qui agissent sur la dynamique des rapports sociaux et confèrent aux personnes en situation de handicap une place bien déterminée dans la hiérarchie des positions sociales. D’autres facteurs d’ordre subjectif peuvent influer aussi sur cette dynamique. La façon, dont une personne en situation de handicap se perçoit elle-même et se représente les autres, a aussi des implications sur les interactions sociales que cette personne entretient et les cercles sociaux qu’elle investit.

Cet axe vise ainsi à interroger la place et  les rapports des personnes en situation de handicap dans des espaces de vie privés (famille, conjugalité, sexualité) et publics (insertion professionnelle, relations de voisinage, pratiques sportives et culturelles, etc.). Porter un regard à la fois dynamique et objectif sur ces espaces débouchera nécessairement sur des réflexions étroitement reliées à des questions de l’accessibilité, de la maladie, des personnes aidantes. Il est également intéressant de comprendre comment les personnes en situation de handicap se positionnent dans les rapports sociaux propres aux espaces privés et publics.
 


Axe 2 :

Handicap, territoire et environnement

La qualité de vie des personnes en situation de handicap est étroitement liée à l’environnement et aux territoires urbain et rural, à l’aménagement des villes et des campagnes, aux accessibilités et aux transports. Dans quelle mesure l’accessibilité influe-t-elle  sur la fréquence et sur la qualité des usages  de l’espace par les personnes en situation de handicap ? Le droit à une mobilité autonome et à la liberté de circulation sont des revendications qui imposent désormais la réflexion et la mise en œuvre de politiques territoriales adaptées et non discriminatoires. Par exemple, l’investissement des personnes en situation de handicap de l’espace urbain est déterminé dans une large mesure par l’accessibilité à cet espace.

L’accès au logement, à la scolarisation et à la vie professionnelle se trouve certainement affecté en l’absence de structures et d’objets physiques adéquats (infrastructures, équipements...) facilitant la mobilité et la liberté de circulation de ces personnes.
 


Axe 3 :

Migrations et espaces de transition des personnes en situation de handicap
 
Les mouvements de migration et de mobilité sont désormais une réalité qui passe de la cyclicité à la permanence. Des personnes et des communautés se retrouvent ainsi dans des mouvements et des déplacements multiformes. Les moyens et les trajectoires de migration qui sont de plus en plus atypiques et complexes augmentent les incidents, les accidents et les événements producteurs de certaines déficiences corporelles qui favorisent dans certains contextes sociaux ou spatiaux la production du  handicap. Cet axe ambitionne de réfléchir sur les espaces de production, de transit, de passage et de réception de la migration qui peuvent être le lieu de multiples vulnérabilités pour les personnes en situation de handicap. Les droits, l’accès aux soins et la prise en charge des migrants et des migrantes en situation de handicap peuvent constituer une matière à discussion dans le cadre de cet axe.
 


Axe 4 :

Espaces de service et espaces de participation

Les espaces de service sont des espaces qui doivent présenter des prestations au service des citoyens et citoyennes de manière égalitaire et équitable (administrations, école, hôpital, centres commerciaux, espaces de loisirs et de sport). Or, bénéficier de ces espaces est loin d’être généralisé et possible pour tous les membres de la communauté. De là surgit la question de la participation citoyenne des personnes en situation de handicap et de leurs actions de revendication et de plaidoyer. Quel rôle joue dans ce cadre les associations de la société civile, les partis politiques ainsi que les réseaux de revendication informels pour garantir à la fois une meilleure participation à la vie publique et une jouissance égalitaire des services ?


Axe 5 :

Les espaces de soin entre inclusion, exclusion, stigmatisation et droit

Les espaces de soin requièrent une importance cruciale. En effet, certaines personnes en situation de handicap entreprennent des rapports avec les structures sanitaires tout au long de leur vie. Tandis que d’autres recourent à des pratiques de soin traditionnelles ou non-médicales. Quel sens accorderaient les personnes en situation de handicap à la nature des pratiques de soin qu’ils adoptent ? Quels facteurs déterminent le choix ou non d’un service ? Interroger le processus de soin implique par exemple une (re)mise en question de la qualité des services dans les structures hospitalières et de la nature des rapports entrepris par les personnes en situation de handicap avec le corps soignant et les structures de soin.
 


Axe 6 :

Images et représentations : médias, espaces virtuels, nouvelles technologies, art et littérature

L’image des personnes en situation de handicap peut se construire à travers des relations interpersonnelles et aussi à travers les médias et les technologies de l’information et de la communication (TIC). Quelles seraient donc les logiques qui sous-tendent la construction médiatique de l’image des personnes en situation de handicap ? Comment perçoivent-elles cette image et que font-elles pour contribuer à sa (dé)construction ? L’accessibilité numérique est aussi une question centrale dans cet axe. Qu’est ce qui déterminerait cette accessibilité qui devient actuellement un enjeu social soulevant la question des égalités des chances et des droits. Quels liens peuvent exister entre inégalités numériques et inégalités sociales ? Comment l’expérience du handicap agit-elle sur les usages adoptés par les personnes en situation de handicap ? Et comment les personnes en situation de handicap articulent-elles  liens sociaux et liens numériques ?
 


Axe 7 :

Éducation, formation et accompagnement des personnes en situation de handicap

Aborder le volet éducation et formation revient non seulement à réfléchir aux parcours scolaires des personnes en situation de handicap mais également aux institutions qui les accueillent et aux personnes qui les accompagnent (éducateurs/rices, enseignants/tes, formateurs/rices). En effet, le débat autour de l’enseignement spécialisé, de l’école inclusive et des méthodes d’enseignement différenciées est toujours d’actualité. Les territoires d’exercice des enseignants et des éducateurs parfois se chevauchent et s’entremêlent créant par là de multiples conflits qui touchent surtout les personnes en situation de handicap.